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14 octobre 2012

CINEMA- CESAR DOIT MOURIR: L'AME DE LA TRAGEDIE

cosimo-rega-et-giovanni-arcuri-cesar-doit-mourir_Les frères PAOLO ET VITTORIO TAVIANI n'ont pas leur pareil pour passer la société au scalpel du social ("Padre Padrone"1977). En ressortant de la prison de haute sécurité de REBIBBIA, après avoir entendu des criminels condamnés à perpétuité ou à des peines qui dépassent 15 ans, réciter des vers de "L'enfer" de la "comédia" de DANTE, ils ont éprouvés le besoin de revenir travailler avec eux sur un projet de film: "En sortant on s'est dit qu'il fallait qu'on fasse quelque chose de cette émotion qu'on avait ressenti". Jusqu'à présent on se contentait souvent d'aller dans des prisons plus ordinaires pour donner des "representatations" de spectacles avec des professionnels.

La première surprise aura donc été d'apprendre à ces détenus qu'ils voulaient leurs faire jouer une pièce inspirée de SHAKESPEARE qui leurs était sans doute totalement inconnu. La seule chose qui les a sans doute rassurés c'est quand ils ont su que la pièce en question concernait un personnage historique de JULES CESAR le Romain. Ils avaient adapté, librement, la pièce de 80 pages qui datait de l'an 1600 pour en faire un scénario de film avec l'idée de montrer au spectateur l'élaboration complète de la pièce par les détenus eux mêmes sous la conduite d'un metteur en scène, c'est à dire le choix des acteurs du casting, la découverte du texte, les répétitions jusqu'à la première et unique représentation sur la scène dans la cour devant un parterre d'autres détenus, entrecoupés d'un petit moment où les détenus sont enfermés dans leur cellule, les yeux fixés au plafond pour expliquer ce qu'on peut ressentir de douleur et souffrance en prison, même quand on est un criminel endurci de la Camorra :"Nous ne pouvons plus aimer nos femmes, les toucher; beaucoup nous ont abandonnés depuis notre incarcération". Participer à ce film leurs a sans doute permis de mieux comprendre leur chaos intérieur de criminels et au spectateur que mêmes des détenus criminels son des hommes véritables capables d'apprécier la pratique de l'art comme un moyen de trouver des instants de liberté à savourer, fier que quelqu'un les regarde dans les yeux.

La deuxième bonne surprise a été de proposer à chacun d'eux de traduire sa partie de texte dans son dialecte (Napolitain, Sicilien ou dialècte des Pouilles). Leurs ont-ils expliqués que leur film "César doit mourir" comme le césar de SHAKESPEARE est  une tragédie pessimiste avec de la violence et que chacun va devoir rendre son personnage le plus actuel et réel possible?. Les frère TAVIANI, avec maestria, jouent avec l'idée qui était déjà celle du Poète: que se serait-il passé si j'étais resté chez moi ce jour-là? mais c'est en rien un film qui vise à faire de la morale à qui que ce soit et c'est sans doute pourquoi ils n'ont pas cherchés à fouiller dans le passé des détenus-comédiens (ce que déplorent, à tord, certains critiques) se contentant de citer le nom est le prénom de chacun et la durée de la condamnation). C'est eux mêmes qui ont exigés de figurer au générique sous leur vraie identité: " garder le nom du père, de leur mère, le lieu de naissance, c'était sans doute pour eux rappeler aux autres à l'extérieur, qu'ils étaient dans le silence de la prison mais vivants ". Par contre que, peut-être pour garder l'esprit de l'auteur, ils ont expliqués à chacun pourquoi chaque conspirateur a voulu assassiner CESAR: Brutus tue son ami, qui a été son protecteur non pour le mal qu'il a fait mais pour le mal qu'il pourrait faire s'il était couronné par le Sénat. Son orgueil est sa vertu. Marc Antoine est un aristocrate qui flatte pour se faire aimer. Il respecte César qu'il trouve supérieur. Octave est le froid adversaire de César. Cassius est l'homme politique ordinaire, envieux et jaloux de César, Brutus est un des amis qui éprouve de l'amitié pour lui. Ajouter pour compléter le tableau le personnage du Devin : "Prends garde aux ides de mars" avait il lancé à César qui l'avait pris pour un rêveur. Le fantôme de César qui apparaît à Brutus la veille de la bataille où il va perdre la vie est comme il se présente le mauvais génie de son assassin; il symbolise le remord et le châtiment ( dans leur cellule les détenus qui regardent fixement le plafond espèrent voir apparaître un être qui leur est cher).

Pour ce qui est de la partie technique, les séquences des répétitions sont en noir et blanc et la pièce joué en costumes en couleur (l'obscurité de la vie carcérale et la lumière de l'ART qui est la seule forme de liberté). L'usage des dialectes fait dire aux réalisateurs: "c'est à travers tout cela que le film trouve son sens). Pour la musique ils ont demandés à  Giuliano TAVIANI, un neveu compositeur qui avait jusque là refusé de composer pour tous les films précédents; il a accepté de faire la composition musicale de "César doit mourir" accompagné de la pianiste CARMELO TRAVIA.

C'est vers l'age de 40 ans que le dramaturge anglais avait écrit sa pièce romaine (il en a écrit 4). peut être s'était-il inspiré de la pièce de Jules GEVIN  jouée en 1558 et des vies de César, Marc Antoine et Brutus de PUTARQUE, traduites en 1579 par NORTH? En fait dans cette pièce le vrai héros n'est pas César mais Brutus.

Pour l'auteur de la pièce c'est la tentation qui rend l'homme cruel et violent, sans scrupule et sans pitié mais ce qu'il ignore c'est qu'une fois son forfait accompli il va devoir vivre avec ses fantômes qui vont hanter sa mémoire jusqu'au châtiment. Qui mieux que des détenus criminels pouvaient le mieux exprimer ce resenti?. Sont-ils plus serein depuis ce film? "Rien ne sera plus comme avant" a dit COSIMO REGA (Cassius)

"liberté? indépendance! la tyrannie est morte

Liberté indépendance, affranchissement

L'ambition à payait sa dette

Que nul ne réponde de cet acte que nous les auteurs!

Destins! nous connaîtrons votre bon plaisir. Nous savons que nous mourrons;

ce n'est que l'époque et le nombre des jours qui tiennent les hommes en suspens

Nous sommes les amis de César nous qui avons abrégé son temps de craindre la mort

Crions tous: Paix! indépendance! liberté!"

-Jules César acte 3 (extrait)

Ce film a obtenu l'Ours d'or à la Berlinade et le prix de meilleur film Italien (David de Donatello). 

Durée du film 1h16mn

Ps: je vous invite à aller sur mon site http://antoniogramsci.e-monsite.com/ pour lire l'article 36 de la partie 4 "Voyages dans les Prisons" comment Gramsci, prisonnier politique, avait assisté à une démonstration de couteaux par les détenus de la camorra en 1930. 

*

 

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Commentaires
D
Bonjour Alex, merci pour ce long article sur un film qui j'espère rencontrera son public. J'ai été frustré qu'il dure si peu de temps. Les frères Taviani auraient pu s'attarder sur la vie des détenus, le propos aurait peut-être plus fort. Toujours est-il que cela donne envie de relire la pièce. Bonne fin d'après-midi.
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