CINEMA - HEIMAT : DECLOISONNER LES MEMOIRES

"HEIMAT" est un film qui est sorti en France pendant une période de vacances scolaires (le 23 Octobre). Quand on sait qu'il est en deux parties et qu'au final il dépasse les 4 heures c'était difficile de le recommander aux familles avec enfants. Je l'avait donc ignoré même si les critiques étaient toutes enthousiastes sur ses qualités, d'autant que j'ignorait qui était son réalisateur Allemand EDGAR REITZ. C'est après avoir lu un commentaire de mon amie blogueuse Dasola que je vous recommande http://dasola.canalblog.com/ que j'ai profité du fait que cette semaine en dehors du film ROMAN POLANSKI je n'ai rien trouvé d'autre qui me donne envie (Le dernier des injustes est un documentaire pour la mémoire qui est indispensable mais là encore qui demande d'être vu à "tête reposée")pour revenir sur ce film singulier.

HEDGAR REITZ est un réalisateur Allemand qui a l'âge de Roman POLANSKI (81 ans). Il a eu une carrière beaucoup plus discrète hors de son pays. En 1962, à 40 ans, sauf erreur de ma part, il signe avec plusieurs autres jeunes cinéastes allemand un manifeste qui s'intitule : " le cinéma de papa est mort!". En 1978, il participe à un film collectif "L'Allemagne en Automne" qui raconte l'histoire du patron des patron allemand qui avait été enlevé et assassiné par une fraction "armée rouge", mais ce film, comme ceux réalisés par ces cinéastes engagés, avait été incompris du grand public Allemand. La même année, REITZ avait sorti son film poétique "le tailleur d'Hulm" qui avait été un échec et dans lequel il avait laissé toutes ses économies car le budget était très élevé. Il était donc parti s'exiler chez des amis sur une île de la mer du nord pour vivre sa crise existentielle sur son avenir au cinéma; et comprendre pourquoi il avait voulu devenir cinéaste et retrouver son identité. C'est là que pour se changer les idées il s'est mis à couvrir des cahiers pour raconter l'histoire de sa propre famille en remontant sur plusieurs générations avec son idée première qui était son expérience vécue, celle de prendre congé de celles et ceux qu'on aime le plus et de partir s'exiler. Il ne cessera d'évoquer au fil des pages le fait de partir, de dire adieu pour émigrer et rompre tous liens qui est comme il dit un processus difficile dont certains sont capables et d'autres non.Il a ainsi couvert 2000 pages d'écritures et fatalement le désir de traduire tout ça en images à été le plus fort . Il est revenu en Allemangne:"Je voulais mettre en lumière une période occultée pour décloisonner les mémoires de celles et ceux qui refusaient de regarder le passé". Il a passé beaucoup de temps à faire un travail de sociologue pour recueillir des témoignages et le soir en discuter avec les siens pour mettre ses idée sen place car il voulait raconter la vie d'une famille Allemande dans un village de Rhénanie de 1900 à 1982 dans un premier temps. Cela a donné la première saga Allemande à la télévision intitulée "HEIMAT"; le succès inespéré de cette chronique allemande avec 2 épisodes par semaine dura au final 15 h 40' et fut donc suivi d'une deuxième saison: "chronique de la jeunesse" en 13 épisodes pour 25 h 32' et d'une troisième saison en 6 épisodes de 10 h 58', soit plus de 5O h de diffusion avec un succès unanime dans toute l'Allemagne car il avait fait revivre le passé en 1500 pages de scénario. Alors qu'au départ cette histoire devait s'interrompre en 1982 (année du début du tournage) elle ira jusqu'en 2002 à la télévision. Cette trilogie avait nécessité la présence de plus de 300 personnages dans un village fictif CHABBACH intégré dans le contexte de la rhénanie qui lui avait permis de relier toutes les histoires entre elles. Beaucoup pensaient qu'après un pareil succès il en resterait là: "j'ai créé un objet qui n'a pas de fin, qui peut progresser indéfiniment"

Trente ans plus tard, il tient parole en sortant un nouvel HEIMAT pour le cinéma en 2 épisodes : "chronique d'un rêve et exode" dont l'ensemble dure 4 heures mais que les producteurs français ont préférés faire en 2 séances. Pour la première partie, il remonte à 1882  toute en précisant que ce n'est pas un Prologue ou un épilogue car c'est centré sur l'Histoire". Pour le titre "HEIMAT" il explique que ce mot allemand désigne l'endroit d'où l'on vient, dont on est originaire, sa terre natale " c'est le pays où on se sent chez soi mais qu'on a du quitter, il renvoie à la mère symbole. Le mot avait été instrumentalisé par les nazis pour leur propagande. Après guerre il avait décrit le cinéma de terroir, provincial, naïf. Le mot a retrouvé, aujourd'hui, une valeur perdue....L'idée de l'Exode c'était d'évoquer une des périodes historiques où ce mouvement s'effectue de manière collective à travers les grandes vagues de l'emmigration ; c'est ce qui s'est passé chez nous il y a 150 ans. Et c'est ce qui conduit aujourd'hui aux drame affreux de Lampédusa. Je trouvais d'autant plus intéressant de rappeler que l'Allemagne aussi a été un pays d'émigration, qu'elle a la fâcheuse tendance ces derniers temps à se plaindre de l'immigration."

Voyons à présent ses explications de ce réalisateur exigeant, soucieux du détail, pour ce long film en Noir et blanc, avec quelques éléments en couleurs:

"Les caméras d'aujourd'hui permettent d'obtenir un espace qui donne à l'image en noir et blanc un effet tridimensionnel sans besoin de recourir à la 3D. Dans des rares endroits il y a quelques impressions de couleurs que la technique digitale d'aujourd'hui rend possible. J'ai essayé depuis 40 ans de mélanger le noir et le blanc avec la couleur; avec le numérique le mélange n'est plus un problème. Dans de très rares endroits il y avait un élément dont seule la couleur pouvait rendre la sensation ou la valeur symbolique"

De toute ma vie je n'avais travaillé avec autant de précision pour un film, d'une façon aussi planifié, avec un plan précis de découpage pour traduire notre vision. J'ai réalisé ce film commencé en 2011 avec l'aide de GERNOT ROLL, le directeur de la photographie. Ensemble nous avons décidé de tourner en Cinémascope. Cela donne un rapport totalement nouveau au gros plan. Lorsque le visage apparaît en gros plan, l'espace sur les côté continue d'exister; même de très près, le visage continue de faire partie de l'espace qui est donné comme un principe narratif. Il offre aussi beaucoup d'avantages dans les intérieurs souvent très exigus des maisons paysannes. Horizontalement les objectifs anamorphiques sont en fait des grands angles, mais verticalement ce sont des focales moyennes, avantageuses pour les portraits.... L'éclairage doit être, lui aussi, le plus exact possible. La camera Alex a studio de chez ARRI a une incroyable sensibilité à la lumière; il suffit d'une bougie pour éclairer une scène si ces éléments sont le plus clair de l'image

Le tournage a duré 6 mois; je refuse, radicalement, ce modèle de cinéma qui vous prend dans les tripes; cette dramaturgie du suspense car le concept passe avant les images de la vie et renverse la réalité ou demeure banal. Ce qui m'intéresse c'est que le cinéma soit une " école du regard". Avec mes films je veux apprendre à mieux comprendre la vie réelle. Ce qui compte le plus pour moi c'est l'observation exacte, la connaissance des hommes et de leurs comportements.

Je refuse le spectaculaire; je veux recréer l'émotion et la beauté des univers du passé".

Voilà vous en savez un peu plus sur ce réalisateur qui cherche à donner une Esthétique artistique à ses films tout en restituant le quotidien de la vie des gens simples. C'est un grand observateur. C'est avec ce genre de film que le peuple allemand a fini par se réconcilier avec son passé, il ne lui reste plus qu'a obtenir le pardon des horreurs commises par les dirigeants qu'il avait élu et qui lui avait promis une vie paisible faite que de bonheur.

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Comments

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Tout d'abord pour vous signaler que le lien de votre blog ne marche pas, peut-être parce qu'il manque le "g" du mot canalblog ?

Votre post est intéressant parce qu'il situe ce film dans son contexte et de le connaître permet de comprendre l'immense succès que ces films ont remporté en Allemagne. Pour nous c'est un chef-d'oeuvre !

Merci pour votre commentaire sur notre blog