CINEMA - LE DEMANTELEMENT : RESIGNATION PAYSANNE
Le film QUEBECOIS n'est pas souvent à l'honneur alors profitons-en avec "le Démantèlement"qui a participé à la semaine critique du Festival de Cannes et qui est ressorti meilleur film de "la société des auteurs et compositeurs dramatiques".
C'est le second long métrage du Canadien SEBASTIEN PILOTE. Son histoire traite d'un paysan éleveurs de brebis qui n'est pas loin de la retraite. Toute sa vie il a travaillé dans la ferme qu'il a hérité de ses parents, sa femme l'a quitté il y a longtemps et il s'est retrouvé seul avec ses brebis quand les deux filles sont parties à leur tour vivre leur vie . L'une est devenue artiste, l'autre femme au foyer . Toutes deux sont sortis de la vie de ce paysan qui pourtant continue, sans voir personne, à les aimer comme quand elles étaient ses petits anges de la ferme. Aussi quand l'une d'elle vient lui demander de l'aide car elle est en instance de divorce, criblée de dettes au risque de perdre sa maison, il est-là et décide de l'aider quoiqu'il lui en coûte ; le bonheur de sa fille avant tout. Petit à petit, il va tout vendre sans que ça émeuve les enfants alors que les voisins, eux, essaient de le dissuader, en vain. Il finira dans une chambre du bourg voisin, plus seul que jamais mais soulagé d'avoir assuré le bonheur de son petit ange.
Pour son histoire, il s'est rappelé de celle du romancier Français Honoré de BALZAC et de son "père Goriot": "en relisant ce roman j'ai constaté qu'il avait des parallèles avec l'histoire que je souhaitais raconter. J'ai approfondis certaines idées et même gardé quelques phrases de ce classique de la littérature Française et ce sentiment de paternité développé à l'excès".
A côté de l'histoire de ce père se sacrifiant pour sa fille, on assiste en sous main au déclin du monde paysan qui faute de pouvoir assurer la relève vendent leur terre aux constructeurs immobiliers. (dans une scène on voit un paysan qui pleure quand sa terre est vendue aux enchères). En France de 2 millions de propriétés paysannes on est tombé à moins de 500 000 en 10 ans et c'est un peu partout pareil.
GABRIEL ARCAND qui tient le rôle de ce père Gaby, digne et résigné, réside à MONTREAL; pour accepter ce rôle il a tenu à aller à la rencontre des éleveurs de brebis et de bien étudier ce qu'est leurs vie de paysans-éleveurs. Disons qu'il a rempli son rôle à la perfection afin de convaincre des idées de ce père que pour vivre heureux il doit tout donner à ses enfants, même si ceux-là ne lui seront d'aucune reconnaissance quand il aura besoin d'eux:"C'est un acteur qui a une réputation de comédien austère, élitiste, intellectuel. J'avais envie d'exploiter ça magnifique photogénie et capter la beauté de son regard, le suivre dans les gestes d'un éleveur au travail"
On regrettera que dans son film PILOTE n'ait pas cherché à aller plus loin que BALZAC dont les idées restaient assez réactionnaires, ce qui faisaient dire à FLAUBERT que ses idées sociales ne méritaient pas qu'on les discutent: " je voulais faire un mélodrame car je vois que les gens aiment être touchés et aiment pleurer au cinéma....C'est un film grand public, en se sacrifiant le père se libère de quelque chose d'où l'effet "Feel good".
C'est sur que c'est pas ce film qui donnera envie aux paysans de descendre dans la rue pour sauver ce qui peut l'être encore et c'est là que c'est dommage. Sébastien PILOTE a manqué lui aussi d'ambition et de courage pour faire son deuxieme film; il semble résigné au démantèlement qui relève du fatalisme Balzacien. Lui se défend en disant que dans son film: " le "père" apparait comme un monument qui s'effondre, un batiment qu'on dynamite, alors qu' habituellement dans le cinéma Québécois ce père est souvent absent parce qu'il travaille dans les chantiers du grand nord".
Côté technique, c'est volontairement qu'il a tourné son film en Technicolor 35mm car il trouve difficile d'admettre cette disparition d'un savoir faire, ce avec quoi les grands réalisateurs seront d'accord. C'est à MICHEL LA VEAUX qu'il a confié la direction de la photographie dans ce décor de pleine campagne de Saguenay- Lac-Saint JEAN, à quelques 100 km au Nord de QUEBEC: "le cinéma snobe la paysannerie, les petits villages, le classicisme, la nostalgie, l'éphémère; j'ai cherché à donner de l'amplitude à cette histoire intimiste"
La jeune sophie DESMARAIS ,27 ans, qui se produit aussi au théâtre et dans des séries télévisées canadiennes, tient le rôle de la fille aînée et c'est à LUCIE LAURIER que revient celui de l'ingrate fille en perdition.
Durée du film : 1h 52
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