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14 juin 2015

CINEMA- MUSTANG : LES FEMMES TURQUES D'AUJOURD'HUI ONT DES CHOSES A DIRE

 

MUSTANG VOIT

 

C'est suffisamment rare de voir un premier film d'une réalisatrice turque qui met en scène des jeunes femmes turques d'aujourd'hui pour saluer cette sortie sur les écrans Français. Comme il a reçu à la Quinzaine des réalisateurs -Cannes 2015- une attention particulière, ça ne peut que nous conforter dans notre choix de commentaire de la semaine.

 

MARRIAGE

 

 

DENIZ%20GAMZE%20ERGUVEN

DENIZ GAMZE-ERGÜVEN est née en 78 à ANKARA. Elle a d'abord eu un diplômes de lettres  et une maîtrise d'histoire africaine à Johannesburg avant de venir étudier à l'école de cinéma de LA FEMIS. Son film de fin d'études "Bir Damia su" qui montrait une tentative d'émancipaton d'une jeune turque voilée en rébellion contre le patriarcat et l'autoritarisme des hommes de sa communauté turque (elle fait une bulle avec son chewing gum) avait reçu le prix du festival de Locarno: "La majeure partie de ma famille est en Turquie et je passe ma vie à faire des aller-retour. C'est un pays en pleine effervescence où tout bouge. On y ressent de la force et de la fougue. Tout peut vriller à tout moment et partir dans n'importe quel sens. C'est un réservoir à fiction incroyable....Les filles d'aujourd'hui sont plus insouciantes que je ne l'étais à leur âge. Elles sont plus libres, maîtresses d'elles mêmes. Par rapport au conservatisme ambiant, à la situation de la Turquie, elles ont une sorte d'affranchissement total; elles sont sur connectées et savent tout sur tout; elles passent du temps à se filmer. Elles ont un rapport à leur image et à leur corps différent du notre, complètement libre".

 

MARGUERITE

 

Elle avait en projet de faire un premier long métrage sur les émeutes du Sud de Los Angeles de 92 "kings" mais trouvant ce premier sujet très compliqué, elle l'a remis à plus tard, et avec son amie réalisatrice ALICE VINOCOUR, elles se sont lancées dans l'écriture du scénario jugé plus simple dont elle avait l'idée :"MUSTANG"(2012): "On ne fait pas un film comme un discours politique; le film exprime ce qu'on pense d'une manière plus sensible et puissante. Je voulais raconter ce que c'est que d'être fille, femme en turquie aujourd'hui car la condition féminine est plus que jamais au centre du débat public. Tout ce qui a trait à la féminité est sans cesse ramené à la sexualité. C'est comme si chaque geste des femmes et mêmes des jeunes filles avait une charge sexuelle. On prête une grande charge érotique aux gestes les plus anodins. C'est toute l'absurdité de ce genre de conservatisme, tout  est sexuel. On en arrive à parler sexe tout le temps et on voit émerger une société qui positionne la femme turque comme une machine à faire des enfants, juste bonne à rester à la maison! Alors qu'on  est un des premiers pays à avoir donné le droit de vote aux femmes, en 1930, on se retrouve aujourd'hui à devoir défendre des choses aussi élémentaires que l'avortement. C'est triste.

j'ai envisagé mon film comme un conte avec des motifs mythologiques comme celui du Minotaure, du Dédale, de l'hydre. PASOLINI avait dénoncé le fasciste à travers son conte : "Salo ou les 120 jours de Sodome", en décalant la forme et le fond."

Son film a pour décor un petit village INEBOLU à 600 km nord d'Istambul sur la côte de la mer noire peu accessible , il symbolise bien l'oppression que l'on peut éprouver à  vivre-là (les habitants soutiennent le président au pouvoir qui leurs a offert un sac de charbon pendant sa campagne électorale) mais ce qui a attiré la réalisatrice c'est le côté esthétique du paysage environnant, coupé du monde, qui semblait sorti d'un conte avec son ruban de route en bord de mer et la forêt inquiétante autour.

 

mustang

 

L'histoire est celle de 5 soeurs qui en sortant de l'école s'amusent avec des garçons (une monte même sur les épaules d'un garçon). Les parents trouvent cela scandaleux, résultat, elles sont punis à rester à la maison, plus d'école:"la déscolarisation des filles a l'air de rien mais c'est d'un impact déterminant pour mon histoire". La grand-mère est chargée de leur éducation pendant que les parents commencent à envisager les mariages arrangés. Elle leurs apprend à être de bonnes ménagères. Au lieu de se soumettre, de se résigner à leur sort, elles décident toutes ensemble de ne pas se laisser faire, elles jettent leurs robe couleur de merde, se coupent les cheveux, n'hésitent pas à se mettre en maillot de bain, "contrairement à mon époque elles ne baissent pas les yeux et n'epprouvent pas de honte de ce qu'elles ont fait qui au demeurant était un jeu innocent". Elles deviennent comme un monstre à 5 têtes, elles semblent ne former qu'un seul corps et constituent une fratrie très organique; elles se répondent, se complètent, elles complotent entre elles ;lorsque l'une fait quelque chose ça entraîne les autres :"Il fallait que leur courage paie, qu'elles gagnent à la fin de manière la plus jubilatoire possible. Chaque fois que ce monstre à 5 têtes perdait un petit morceau de lui même (chaque fois qu'une fille sort de l'histoire ou qu'elle tombe dans le piège) le reste continue pour que le dernier morceau réusisse à s'en sortir."

Ces 5 soeurs qui n'en font qu'une sont comme le Mustang, ce cheval fougueux, libre et fier.

Pour la musique on a fait appel à WARREN ELIS "Quand Warren joue du violon on a le sentiment d'entendre une voix qui raconte une histoire, ses orchestrations sont bouleversantes. L'Australie et la Turquie sont au carrefour entre deux cultures".

Le premier producteur a abandonné le projet à 2 semaines du début du tournage. Toute l'équipe a eu tellement peur que lorsque un autre producteur a repris le projet toute l'équipe s'est lancée à fond dans l'aventure avec des 12 heures de tournage par jour et 6 jours par semaine. Les éléments du décor, les trucages, les cascades étaient misent en place le jour même "on a vécu une aventure intense...J'aimerai que mon film soit partagé, qu'il fasse réflèchir et qu'il ouvre des petites portes en Turquie et ailleurs".

Durée du film : 1 h 45

 

lit 5

 

*

 

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Commentaires
M
J'ai aussi lu le billet de Dasola et vu des extraits dans L'émission le cercle. Ca me tente vraiment et c'est vrai que ça ressemble un peu à Virgin Suicide par certains aspects, films que j'avais bien aimé. Ce film me tente vraiment !
D
Bonjour Alex, j'ai vu ce film dimanche soir: sensationnel. Il faut que j'écrive un billet qui donne envie d'aller le voir. Bonne journée.
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