Parfois on se casse la tête pour "dénicher" un film que l'on ait envie d'emporter, quelque soit le temps qui fera, en vacances , un film qui ne soit pas une arnaque , un film sans prétention , avec lequel on va pouvoir faire le vide dans son cerveau fatigué, les pieds en éventail, un film frais que l'on savoure avec une paille (si j'avais été plus jeune j'aurais parlé d'un château de sable avec l'écumes des vagues qui vous lèche les pieds). Cette année ce sera "CRASH TEST AGLAE".
Comme les deux autres commentaires qui suivront portent sur des films des pays de l'Est, je vous rassure tout de suite cette comédie Franco / Canadienne qui est une sorte de ROAD MOVIE va aussi traverser la Russie, le Kazakhstan...
C'est ici encore un premier film d'un jeune réalisateur diplômé de l'Université Concordia de MONTREAL qui jusque là s'était éclaté en faisant quantité de courts métrages (20) qui lui ont valus 6 prix (il est aussi le co-fondateur du mouvement KINO paris ; MOUVEMENT CINÉMATOGRAPHIQUE INTERNATIONAL ("Faire bien avec Rien, Mieux avec peu, mais faire MAINTENANT" -1999).
"Pour mon film j'ai aimé l'idée que le destin de ces trois femmes soit l'absurde. Je trouve drôle de jouer avec l'espoir plutôt qu'avec le désespoir" - ERIC CRAVEL -
Au départ l'histoire a pour sujet un problème moderne, celui du travail délocalisé dans le cadre de la mondialisation. Mais le réalisateur a choisi de transformer ce problème en comédie tout en dénonçant en passant, avec un rien de cynisme, ce mode de travail dévalué au rabais qui offre des boulots de merde de plus en plus éloigné du lieu de vie des pays capitalistes dit "riches". A cet humour noir succède vite la folie joyeuse d'une road movie internationale de trois ouvrières Françaises.
Déjà AGLAE LANCTOT, le personnage principal, a tout d'un anti héros. Elle n'a pas eu ce qu'on appelle une enfance facile; fille du danseuse nue -cracheuse de feu- l'avait abandonnée toute petite. Adulte elle est devenue une personne psychorigide, qui boude en permanence et qui s'accroche à son travail de laboratoire, elle passe ses journées a vérifier, méticuleusement, la capacité des voitures à résister aux chocs violents des collisions de toutes sortes. Les victimes humaines potentielles sont des mannequins bardés de capteurs. Autant dire qu'AGLAE fait un travail utile pour la sécurité des automobilistes (conducteurs et passagers). En dehors du travail elle aime bien voir jouer au cricket (jeu collectif à 11 sur terrain ovale avec une balle et des battes (2 équipes).
Lorsqu'on lui annonce que l'entreprise va être délocalisée en Inde, Aglaé qui refuse de changer de travail décide d'accepter d'aller travailler en Inde pour un salaire moindre. Problème, la Direction refuse de pendre en charge le déménagement des personnels. Quand elle explique sa décision à ses deux copines de travail, Marcelle dit qu'elle est d'accord pour l'accompagner. C'est une ouvrière de 60 balais, fille de paysans, qui est pragmatique dans l'âme. Elle met de côté tout ce qui ressemble à des considérations complexes : "Je n'ai pas fini de vous surprendre". Elle conduit une Citroen Visa-sport décapotable jaune orange. Comme le voyage en avion est trop cher, pas de problème, elles iront en Inde par la route. De fait Liette la deuxième copine de Aglaé qui est une amoureuse béate de son mari Clovis syndicaliste plein de contradictions quand il est face à son DRH, voit dans ce déplacement lointain la possibilité de réaliser son rêve de mère.
Le trio se met en route : Aglae l'introvertie plus décidée que jamais, Marcelle la pragmatique et Liette motivée qui aspire à une liberté valorisante, forment une équipe qui décoiffe, bien décidée à aller en INDE, pays totalement inconnu.
"J'aime bien mettre en scène des personnages qui sont des losers (perdants)" dit CRAVEL.
Cette expédition est l'occasion de vérifier les capacités humaines à résister aux chocs de la vie. C'est leur crash test à elles. Et des crash test il va y en avoir au cours des 5 pays d'europe, d'asie traversés jusqu'en Inde où le choc qui les attend sera encore plus surprenant.
Pour sa réalisation CRAVEL a décidé d'accompagner avec le changement de décor.
La première partie française sera rigide avec des cadrages fixes qui donne l'impression que rien ne bouge (c'est comme dans la tête d'Aglae).
La deuxième partie s'ouvre aux autres, le film se libère, les plans se font caméra à l'épaule, on sent que s'installent les influences des pays traversés, les cadrages sont moins ciselés, la vie entre; certains pays d'europe de l'est sont rugueux; comme dit le metteur en scènes :l'organique prend le dessus. A partir de la Russie la caméra est plus sensible, plus subjective, proche des nouvelles sensations qu'epprouve Aglaé.
La 3ème partie, c'est le passage en ASIE, les plans sont plus larges et serrés; les extrêmes se côtoient et relèvent l'immensité du voyage effectué et de l'introspection, les cadrages sautent.
Le choc final c'est l'entrée brutale en Inde.
Voilà où peut conduire un boulot de merde quand on refuse obstinément de se remettre en question. En fait, je vois ce film comme une sorte de version loufoque moderne d"Indiana Jones et l'arche perdue" féminisée.
Pour réussir un tel film il fallait bien un trio d'actrices hors norme:
INDIA HAIR (AGLAE) - YOLANDE MOREAU (MARCELLE) et JULIE DEPARDIEU (LIETTE) étaient les actrices rêvées pour jouer les aventurières à la recherche de l'arche d'alliance qui contient les tables de lois de la mondialisation.
Pensez à emporter des lunettes...de soleil parce qu'avec ce Canadien d'Eric CRAVEL : patrons, syndicalistes et ouvriers losers en prennent pour leur grade.
Durée du film 1 h 25
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